J’avais neuf ans quand on nous a dit de nous préparer à tout. C’était quelques jours avant de changer de millénaire; après, tout devait finir ou commencer.
Alors avec des amis à l’école, on s’était mis à la magie. On piégeait le temps en enlevant les aiguilles de toutes les horloges, on renversait les règles en jouant à la marelle seulement du ciel à la terre, et quand on reconnaissait ensemble la même forme dans les nuages, on décidait qu’elle existerait. Un soir froid, 1,2,3 Soleil et on le réanimait. Un matin gris, la cour réunie, - main dans la main, les yeux fermés - pour faire passer en silence nos idées, avant de dessiner à la craie toutes celles qui manquaient. Je crois que des couleurs ont été inventées.
On s’était promis de tout imaginer, de tout essayer pour enrayer la fin, ou au moins, l’enjamber. On ne voulait pas s’échapper, pas même s’envoler; juste flotter, sous le ciel, allongés sur la mer, là où les poissons et les oiseaux peuvent s’embrasser. Dans l’urgence, en riant, on faisait pousser des mondes dans le monde, pour protéger ce qu’il avait de plus beau, pour en construire de nouveaux.
J’étais amoureux d’une martienne; on serait architectes de planètes.
Et puis à minuit rien n'a fini, rien n’a changé.
Ni le monde, ni nos rêves de le transformer.
Depuis, j’ai quitté la cour magique pour grandir dans un monde plus petit.
Là où l'extinction n’est plus un jeu mais où l’on est trop sérieux pour l’empêcher.
Alors je continue d’explorer sans plan, les mondes à connecter pour l’animer.
A 18 ans, avec une reine espagnole, ma mère, je soufflais un château blanc entre les murs de la rue Quincampoix, une galerie que cinquante artistes ont peuplé d’autres réalités, de l’estérisme uruguayen à la revanche de Peter Pan. Pour mieux naviguer par vents contraires, j’intégrais les troupes ennemies de grands vaisseaux bleus, blancs, rouges; HEC Paris, l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm et la Sorbonne Paris IV, où sous l'aura des mages, je m’essayais tour à tour à l’économie, l’histoire de l’art et la philosophie.
Au milieu, enfin prêt à voler, je partais un an avec trois amis dans six pays en développement, pour appliquer ce que l’on apprenait là où il y en avait le plus besoin. Avant de comprendre, au coeur des rires qui nous réveillaient, qu’il nous fallait d’abord tout désapprendre. Que sans nos ailes de formules passées, nous serons plus grands à marcher, enfin nus, enfin hommes.
A la fin, je n’étais spécialiste de rien, ni artiste, ni scientifique, ni littéraire.
Au contraire, j’errais à la sortie des disciplines pour éclairer leur revers plutôt que leur intersection, pour chercher de nouvelles voies nécessaires à l’abordage des défis gigantesques de notre époque, pour dessiner d’autres futurs, plus audacieux que la suite logique du quotidien.
En tombant des étagères dans la vie, des théories à la pratique, j’ai travaillé avec Hyperloop Transportation Technologies à nous rapprocher du rêve d’ubiquité, puis avec la fondation XPRIZE pour accélérer depuis Hollywood la réalisation d’une science-fiction positive dans notre vie trop quotidienne. Chaque année, je m’engage à la commission AI FOR GOOD de l’ONU à diriger l’intelligence artificielle vers les dix-sept Objectifs de Développement Durable et à transformer 2030, l’horizon de la fin des fins en nouveau départ équitable.
Avec mon maître sorcier, nous sculptons ANIMA, notre moonshot studio, comme un espace de simulation, de création, - le futur comme medium, la technologie comme palette - où nos partenaires pensent et bâtissent un meilleur présent.
Et puis la nuit, je traque des aliens pour demander de l’aide.
Aujourd’hui, ma nièce a neuf ans, et je n’ai plus d’histoire à lui raconter.
Les yeux soigneusement bandés, notre génération court autour de sa responsabilité.
Pleine d’intelligence pour analyser les défis qui l'écrasent, elle manque cruellement d’imagination pour les dépasser.
Alors ici, vous trouverez des pièces du jeu que j’ai la chance d’explorer, des briques d’imaginaires, d’idées, de projets, qui n’ont d’autre fil rouge que d’essayer.
Bienvenue dans mon labyrinthe sans mur,
Alexandre